INTERVIEW SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

1. Bonjour Stéphanie de Vanssay, vous êtes professeur des écoles depuis 1995. Quelle est votre expérience personnelle et professionnelle des réseaux sociaux ? Que vous ont-ils apporté dans votre vie professionnelle et personnelle ?

Bonjour, je suis présente sur les réseaux sociaux depuis deux ans pour Facebook et depuis un an pour Twitter. Ma présence sur ces réseaux est essentiellement professionnelle, ils me permettent d’échanger avec d’autres enseignants et de faire une veille pour me tenir au courant de ce qui se passe dans le monde de l’enseignement. C’est aussi et surtout un moyen pour moi de satisfaire ma curiosité, ma soif d’apprendre et un excellent moyen d’agrandir le cercle de mes contacts, y compris dans la vie réelle ; je ne compte plus le nombre de personnes rencontrées suite à des contacts virtuels.

2. Quand on évoque les réseaux sociaux, on pense tout de suite à Facebook. Pourtant, ce n’est pas le réseau social le plus utilisé dans le cadre scolaire ? Pourquoi, à votre avis ?

Je ne suis pas sûre que Facebook ne soit pas le plus utilisé, beaucoup d’enseignants de collège et lycée s’en servent pour communiquer avec leurs élèves. Par contre ce choix est délicat car les élèves l’utilisent déjà à titre personnel, je pense que c’est notamment pour cette raison que de nombreux enseignants ont plutôt choisi Twitter pour une utilisation pédagogique.

3. À l’école, dans tous les niveaux, c’est l’usage de Twitter qui est plus largement répandu dans les pratiques pédagogiques. Pourquoi ? Quels sont ses intérêts pédagogiques ?

Je pense que c’est parce qu’il est peu utilisé par les élèves à titre personnel, peut-être aussi parce qu’il est public, ce qui pose tout de suite la question de ce qu’on y diffuse, enfin je pense que la simplicité d’utilisation et la limitation des messages à 140 caractères jouent aussi. Twitter permet une communication écrite simple, synthétique et réactive.
Les intérêts pédagogiques sont nombreux et variés suivant l’utilisation qui est faite de Twitter : les élèves sont actifs, l’écrit est utilisé dans une vraie situation de communication, le format des messages oblige à être synthétique, les échanges avec l’extérieur et hors temps scolaires sont facilités…

4. On voit beaucoup d’exemples d’utilisation de Twitter en collège et lycée. On peut cependant l’utiliser dès l’école primaire. En quoi celui-ci est-il adapté à ce niveau, que peut-on faire avec Twitter et des élèves du premier degré ?

Pour le premier degré, le principal intérêt est de permettre une production d’écrits courts dans une situation d’échanges réels où les élèves vont être amenés à produire des messages, lire ceux qu’ils reçoivent et concevoir des réponses adaptées. Cela ressemble aux situations de correspondance avec l’avantage de pouvoir échanger sur un temps beaucoup plus réduit, voire en synchrone, ce qui est plus dynamique et motivant.

5. Vous êtes, depuis 9 ans, enseignante spécialisée à dominante pédagogique (maître E) au sein d’un RASED et actuellement en congé formation. Comptez-vous utiliser les réseaux sociaux dans le cadre de vos activités ? Si oui, comment ?

Si je retrouve mon poste à la rentrée (les postes RASED risquent d’être massivement victimes des suppressions de postes) je compte bien utiliser Twitter avec mes petits groupes d’élèves en difficulté. J’utilise beaucoup les blogs pour la production d’écrit, mais Twitter me semble vraiment intéressant pour que les élèves puissent avoir un retour immédiat sur ce qu’ils écrivent. Il faudra néanmoins surmonter un certain nombre d’obstacles matériels car il y a peu d’ordinateurs dans les écoles où j’interviens et pas de connexion Wifi.
Je pense que pour des élèves en difficulté, écrire des messages qui sont lus et génèrent des réponses est un formidable levier pour leur donner confiance et les aider à progresser.

6. Pensez-vous qu’il est nécessaire d’être un expert des réseaux sociaux pour utiliser Twitter en classe ?

Un expert non, un utilisateur oui. Avant de se lancer avec les élèves c’est préférable de connaître un minimum l’outil et ses potentialités, l’idéal étant d’y trouver déjà un intérêt pour soi.

7. Pour les néophytes, les réseaux sociaux sont souvent synonymes de danger potentiel. Quels sont les risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux en général ?

On parle toujours des risques et bien moins souvent des bienfaits ! Pour ma part je considère les réseaux sociaux comme des lieux publics (même Facebook avec ses paramètres de confidentialités), je fais attention à ce que j’y dis car cela peut être retrouvé ou répété, ce que je ne veux pas rendre public je ne le dis pas tout simplement et je fais aussi attention à ce que je peux dire ou non des autres, de mon travail, de mes élèves… Ce n’est pas difficile, il suffit d’avoir un peu de bon sens et d’être vigilant.

8. Plus spécifiquement dans le cadre scolaire, y a-t-il, à votre avis, un réel danger ou risque à l’utilisation des réseaux sociaux en classe? A quoi faut-il être vigilant en tant qu’enseignant et particulièrement à l’école primaire ?

Á l’école primaire, on ne peut laisser un élève publier sur Internet sans un contrôle de l’enseignant, que ce soit sur un blog ou un réseau social. Il est essentiel, au fur et à mesure de l’utilisation de discuter avec les élèves des questions et problèmes qui se posent. Je pense que la réflexion en cours d’utilisation est une éducation aux médias bien plus efficace que toutes les brochures et interventions déconnectées du travail fait en classe. Bien sûr formaliser les règles à respecter dans une charte d’utilisation rédigée avec les élèves me semble une bonne chose.

9. Concrètement, quelles sont les principales difficultés techniques, pédagogiques, etc. que peuvent rencontrer les enseignants à son utilisation pédagogique en classe ?

Les difficultés techniques sont à mon avis essentiellement au niveau du matériel disponible et de la connexion. De nombreuses écoles primaires sont vraiment sous-équipées, il faut espérer que cela va rapidement évoluer favorablement.
Au niveau pédagogique, l’utilisation des réseaux sociaux (et du Web 2.0 en général) suppose que l’enseignant accepte de changer de posture, de n’être qu’une ressource parmi d’autres au service des apprentissages de ses élèves et aussi qu’il accepte et gère l’imprévu dans sa classe, car s’il peut contrôler les messages émis, il ne peut maîtriser ceux reçus ; il doit donc pouvoir s’adapter, différer, trier, saisir les opportunités qui se présentent…

10. Comment les surmonter, avez-vous des conseils, trucs ou astuces à donner ?

Il ne faut surtout pas se forcer, l’enseignant doit avoir envie de se lancer parce qu’il en aura compris les enjeux et les apports pour ses élèves et pour lui. Si un enseignant est tenté mais hésitant, je lui conseille de commencer par s’inscrire sur Twitter, d’observer ce que font ses collègues avec cet outil, de découvrir leurs sites où ils partagent leur expérience, leurs questions et leurs découvertes. Ce site recense les twittclasses francophones et comporte les références des comptes des classes, des enseignants et les adresses de leurs sites.

Interview faite pour le site Numéricole