@ElvireBornand termine son analyse du TwittMOOC dans le cadre de sa participation au #MOOCaz « monter un MOOC de A à Z » avec une fois de plus des réflexions fort intéressantes ! 

Twitter (2)

L’animation et l’encadrement du MOOC

Cette semaine, mon travail dans le cadre du MOOC, Monter un MOOC de A à Z (MOOCAZ ) consiste à analyser le pilotage et l’animation du TwittMOOC. En lisant les questions prévues par l’équipe pédagogique de MOOCAZ, j’ai immédiatement pensé que ce dernier devoir allait me ramener à mon point de départ et à la question « Le TwittMOOC est-il un MOOC». Cette même question a été plus récemment l’objet d’échanges sur Twitter entre la responsable du TwittMOOC, Stéphanie de Vanssay et MOOC francophone (respectivement @2vanssay et @moocf sur Twitter).  Pour MOOC francophone, le TwittMOOC n’est pas un MOOC car il n’est pas a priori limité dans le temps. Chaque semaine, le TwittMOOC accueille des nouveaux venus du côté des participants comme des tuteurs et chacun y reste le temps qui lui convient pour remplir les objectifs qu’il s’est fixés. Si j’en reviens à mon activité de cette semaine dans le cadre de MOOCAZ, l’une des questions structurant l’analyse du pilotage est celle du calendrier. 

Le TwittMOOC semble transgresser les règles et pour pouvoir en analyser le pilotage et l’animation il me semble important de commencer par élucider les caractéristiques de cette transgression. Pourquoi avoir un calendrier est si important dans un modèle dont l’existence même vise à permettre l’accès de tous aux savoirs ? Pourquoi délimiter strictement un projet à vocation universelle fait sens pour les spécialistes des MOOCs ?

Ma réponse est brève : la certification. Développons un peu. Certifier c’est discriminer, séparer ceux qui ont réussi de ceux qui ont échoué. Pour cela il faut des épreuves, comme celle que je rédige actuellement. Pour que ces épreuves soient considérées comme justes et permettant aux candidats valeureux de se mesurer à l’épreuve et les uns par rapport aux autres (évaluation par les pairs) il faut des critères communs : rendre à la même date un devoir dont on a pris connaissance à la même date. Si on applique cette logique à l’ensemble du dispositif, il faut que le MOOC ait une date de début et de fin. Cette condition n’est pas déterminée par des objectifs d’apprentissage mais par des objectifs de certification. Cette condition n’est pas à négliger car les projections de modèles économiques autour des MOOCs font apparaître que c’est sur la certification que peut se jouer la rentabilité financière de ces projets pédagogiques. Le participant ne paie pas pour apprendre mais pour faire, valider s’il le souhaite sa réussite. C’est ce que propose par exemple le MOOC Pensée Design qui s’est achevé la semaine dernière.

Tous les MOOCs doivent-ils reposer sur la sélectivité et l’attestation de réussite ? Apprendre et certifier sont-ils une seule et même chose ? Si oui, le TwittMOOC n’est définitivement pas un MOOC. Mais si apprendre peut signifier conter sans compter, alors le TwittMOOC est cet espace ouvert et libre d’apprentissage pouvant accueillir autant de participants qu’il y aura de volontaires intéressés pour découvrir Twitter et ses membres et les multiples possibilités qu’offre ce réseau social.

Piloter et animer un MOOC c’est raconter et entretenir une histoire que s’approprieront les membres, formant une communauté de participants et de tuteurs. Comment TwittMOOC nous est-il conté ?

Un projet incarné

TwittMOOC est un projet incarné. La personne souhaitant s’inscrire ne remplit pas un formulaire en ligne sur une plateforme, elle adresse un tweet à la responsable du projet. Celle-ci répond et envoie un tweet annonçant l’arrivée du nouveau participant ou tuteur à tous grâce à la balise #TwittMOOC. Les membres qui le souhaitent réagissent et interagissent avec le nouveau venu, entrant de fait dans le vif du sujet, savoir maîtriser Twitter. Le lien vers le livret d’accueil est signalé au nouvel arrivé. À partir de là ce sera à lui de construire son parcours en se référant aux billets du blog, aux activités (défis, mini-défis) et aux échanges en suivant la balise dédié. S’il a un besoin particulier il pourra l’exprimer grâce à cette balise et recevra une réponse personnalisée d’un tuteur ou d’un participant. Ce fonctionnement rend inutile l’utilisation d’un forum.

Il n’y a pas de programmation à venir. Chaque semaine se conclut le dimanche par un bilan qui rappelle les éléments forts des jours écoulés : nouveaux tuteurs, nouveaux participants, nouveaux contenus et nouveaux défis. Les billets sont écrits par la responsable du projet, par des participants et par des tuteurs en fonction des appétences et compétences de chacun. Ce process renforce l’incarnation du projet et son appropriation par ses membres. Il met aussi en dynamique puisque celui dont un contenu est publié renforcera à ce moment là ces échanges avec les autres membres du MOOC voire amènera d’autres personnes de son réseau à s’intéresser au TwittMOOC. 

La principale difficulté consiste à catégoriser les différents contenus pour les rendre accessible aux membres via le site web. Au fil de mon analyse, j’ai été amenée à me demander si cette présentation mettait suffisamment en avant le côté « cuisine » du MOOC. Chacun mélange et touille les contenus pour construire son parcours, y apporte sa propre contribution faisant plus ressembler le TwittMOOC à une salade de fruits qu’à un mille-feuille. Cet aspect « cuisine » ou « fait maison » est une des caractéristiques constitutives du projet et est porteur d’une philosophie de l’apprentissage (tous acteurs, tous auteurs) qui pourrait aller plus loin en montrant plus comment le projet se construit et se consolide au fil du temps.

Une histoire à suspens 

Un MOOC sans certification ne tient pas ses participants par la recherche d’un résultat mesurable, mesuré et valorisable hors du MOOC (sur un CV par exemple). Il faut que les participants y trouvent quelque chose de plus subjectif et qui renvoie à l’affect : le sentiment de faire partie d’une communauté apprenante, d’acquérir des connaissances et compétences qu’ils ont un intérêt propre, personnel, à mettre en pratique.

Twitter joue là un rôle essentiel. Les participants et les tuteurs ont la possibilité de « se suivre », c’est-à-dire de s’abonner au compte des autres pour lire en temps réel les messages qu’ils publient. Aucun participant ou tuteur n’a à ma connaissance un compte dédié uniquement au TwittMOOC, chacun se sert de son compte pour y publier des éléments qui concerne sa vie personnelle ou professionnelle. On apprend ainsi à se connaître mutuellement et de ce fait lorsque quelqu’un réagit au contenu d’une ressource, en publie une ou pose une question, le poids de l’intervention est renforcé par la proximité. On s’intéresse aux autres autant qu’à ce qu’ils écrivent. Or c’est un des plus grands enjeux des MOOCs que d’arriver à faire prendre la mayonnaise entre les membres pour que personne ne se sente isolé (on en revient toujours à la cuisine).

L’ensemble de cette dynamique est entretenue par des piliers dont l’engagement consiste à participer aux activités de manière régulière, à publier des contenus ou à interagir avec les participants à l’aide de la balise.

L’attention des membres est maintenue car chacun veut savoir la suite…. sans savoir de quoi cette suite sera constituée. Le fait de pouvoir contribuer à l’orienter est l’un des moteurs.

Bande annonce et critiques

Le TwittMOOC est sorti sans grand bruit, les premiers participants ont rejoint l’aventure avant que l’ensemble des ressources de base (livret d’accueil, scénario pédagogique) ne soient entièrement constitués. Depuis il fait de plus en plus parler de lui, le plus souvent par des canaux spécialisés dans l’éducation et le numérique, plus que dans les MOOCs (nous revoici encore revenus à la question de départ).  En mars un article est paru dans la revue Animation et Education et en juin un article est paru sur le site de Netpublic. Ce ne sont pas les seuls articles publiés, je les ai choisi car ils sont emblématiques du vocabulaire employé pour qualifier le MOOC. Voici les mots employés : contributif, coopératif, apprentissage, comprendre, apprendre, participatif. Le MOOC est reconnu par sa dynamique pédagogique et son caractère ouvert. Plus encore….

Plus encore, ce dont sont porteurs ces points de vue est ce qui me manque souvent dans la plupart des MOOCs auxquels je participe. Autrui. Le risque d’un « tout certification » est de faire disparaître l’importance de l’autre derrière la quête du résultat. Comment pourra se maintenir l’évaluation par les pairs comme mode d’évaluation si les membres des MOOCs ne sont plus massivement ensemble mais simplement nombreux à vouloir la même chose ? L’anonymat dans l’évaluation par les pairs se répand pour protéger les participants du fait de devoir se rendre mutuellement des comptes au motif que ces appréciations entravent une poursuite du parcours vers le résultat. Mais l’anonymat protège également celui qui tendra à sous-noter les autres pour valoriser ses propres travaux, surtout quand les « like » commencent à apparaître comme mode d’évaluation des projets. Les MOOC font-ils encore communauté ?

Sans l’autre, TwittMOOC n’existe pas. C’est sa fragilité comme sa plus belle réussite.

@ElvireBornand

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