Article « Pyramide de sucres »

Cet article est paru dans la revue PLOT n°21 (Partager Lire Ouvrir Transmettre) de l’APMEP ( Association des Professeurs de Mathémathiques de l’Enseignement Public). Les professeurs des écoles peuvent y adhérer, c’est très enrichissant.

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Enseignante spécialisée à dominante pédagogique[1], j’ai mené cette activité avec trois élèves de CM2 en difficulté en vue d’animer un atelier mathématique dans un « Forum des sciences »[2] organisé sur la commune de Châtenay-Malabry où je travaille. Cette activité peut aussi donner lieu à un stand pour la fête de fin d’année de l’école, à un défi dans le cadre d’une liaison CM2/6ème
 

Ces élèves se vivaient « nuls en maths », ils avaient des difficultés à manier et ordonner les grands nombres et à traiter des problèmes, surtout ceux relevant de la multiplication et de la division. Maria, Tiger et Fayssal ont donc fait un travail autour des grands nombres et de situations problèmes avec moi tout au long de l’année.
 

Quand est venu le moment de préparer une activité à présenter au forum des sciences, je leur ai proposé de faire calculer aux visiteurs combien il y avait de sucres dans une pyramide (avec une base de 20 sucres sur 20, étage suivant de 19 sur 19…).

 

Bien sûr, nous construirions la pyramide sur notre stand.
 

Anticiper :

Il a donc fallu imaginer comment allait être cette pyramide car nous ne pouvions pas la réaliser à l’avance puis la transporter. Nous avons donc construit quelques petites pyramides avec des cubes pour visualiser la structure d’une pyramide composée de carrés successifs.

Ensuite nous nous sommes demandés combien de sucres il nous faudrait pour faire la base (un carré plein de 20 sucres de côté). Les élèves ont vite été d’accord, il fallait 80 sucres (20 + 20 + 20 + 20).

Je leur ai donc demandé de la dessiner sur papier quadrillé et de vérifier leur résultat. L’erreur leur a vite « sauté aux yeux » et nous avons donc effectué la multiplication et en avons profité pour revoir la « règle des zéros ». Ensuite le dessin a encore été utilisé pour les 2 étages suivants puis les élèves ont pu s’en passer.


Au passage ils ont donc revu la technique opératoire de la multiplication et abordé la notion de carré d’un nombre.


Ensuite il a fallu gérer la grande addition des 20 résultats obtenus, en la posant à la main puis en vérifiant avec la calculatrice. Bien sûr plusieurs essais ont été nécessaires à cause d’inévitables erreurs de saisie. L’utilisation rare de la calculatrice en élémentaire fait que souvent les élèves se fient au premier résultat trouvé. Il a donc fallu le confronter au résultat obtenu à la main et s’assurer en recommençant plusieurs fois, au moins jusqu’à trouver deux fois le même résultat.


Ça y était, on savait qu’il y aurait 2 870 sucres dans notre pyramide !


Seulement voilà, combien de boîtes devions-nous acheter pour la réaliser ? Les élèves ont été très déçus de constater que le nombre de sucres n’était pas indiqué sur la boîte ! Nous avons donc ouvert et observé une boîte pour calculer combien elle contenait de sucres en nous inspirant de la séance « La boîte de sucres » dans ERMEL CM1 p 239. La multiplication à 3 facteurs est « impossible » dans l’esprit des CM2 puisqu’ils ne savent pas la poser. Nous l’avons donc faite en 2 étapes ; 14 sucres sur la longueur X 6 sur la largeur puis ce résultat X 3 étages. En voyant le contenu de la boîte sous un autre angle on a aussi essayé en faisant 14 sucres sur la longueur X 3 sur la hauteur, le tout 6 fois. Puis ils ont découvert qu’ils arrivaient au même résultat en tapant sur la calculatrice : 14 X 6 X 3 soit 252


Nous avons ensuite cherché combien de boîtes il fallait acheter ; comme ils venaient de revoir la technique opératoire de la division en classe, ils l’ont faite sans souci et ont trouvé 11, donc 11 boîtes. Là encore je leur ai suggéré de vérifier qu’avec 11 boîtes ils auraient bien assez de sucres.

11 X 252 = 2 772 !!! Flûte, ce n’est pas assez…


Combien en manque-t-il ? 2 870 – 2 772 = 98

Comment va-t-on faire pour ces 98 sucres manquants ? Acheter une douzième boîte évidemment !

Tant qu’on y était on a calculé combien cela allait nous coûter, la hauteur qu’aurait notre pyramide (hauteur d’un sucre X 20) et le poids qu’elle pèserait pour demander une table assez solide (approximativement entre 11 et 12 kilos puisqu’une boîte contient 1kg de sucre et là c’est marqué sur la boîte !).


S’organiser :

Nous étions prêt pour faire la pyramide, il restait à voir comment animer notre stand et le rendre accessible à tous.

Pour éviter que ce soit trop long et rébarbatif, nous avons opté pour proposer des calculatrices aux visiteurs ainsi que du papier et des crayons pour écrire les résultats intermédiaires.

Et pour ceux qui comme eux penseraient que la base comportait 80 sucres ? Nous avons dessiné sur des cartons les différents étages sous forme de quadrillages pour aider ces élèves.


Comment faire participer les plus jeunes ? Pour les CP : impossible puisqu’ils n’apprennent les nombres que jusqu’à 100.


Pour les CE1 et les CE2, Fayssal a eu une excellente idée : les faire jouer au « jeu du plus ou du moins ». On demande à un groupe d’élèves d’annoncer à tour de rôle le nombre de sucres estimé pour cette pyramide (travail sur les ordres de grandeur), un élève qui anime le stand dit alors si c’est « plus » ou « moins », celui qui trouve le nombre exact gagne… un sucre ! Ce qui est surprenant c’est que Fayssal a justement des difficultés dans l’ordre des nombres et qu’il a su mener avec brio et sans erreur ce jeu.


Concrètement
:

Pour plus de facilité et d’esthétisme il faut utiliser des sucres avec 2 faces carrées ou des sucres cubiques.

Il faut compter 2 heures environ pour monter la pyramide.

Pour éviter tout gaspillage nous nous sommes soigneusement lavé les mains et avons protégé la table avec du plastique propre ; ainsi les sucres ont pu être récupérés pour alimenter les salles des maîtres des diverses écoles de la commune.

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En conclusion :

La pyramide était très belle et attirait les visiteurs à notre stand. Maria, Fayssal et Tiger se sont retrouvés en position d’expert et ont été très valorisés. Ils ont passé la première matinée à monter la pyramide puis se sont relayés au stand un après-midi et une matinée sans rechigner.

Des étudiants de Centrale, présents au forum des sciences, nous ont étonnés en faisant le calcul de tête en quelques secondes. Il fallait voir la mine ahurie de mes élèves… Ils ont « touché du doigt » qu’il existait d’autres façons de faire qui leur restaient à découvrir !

Ils ont utilisé la formule suivante : n (n + 1) (2n + 1) /6 où n est le nombre de sucres sur un côté de la base de la pyramide. Ils ont tenté de me l’expliquer mais je ne l’ai pas comprise tout de suite… un problème pour les élèves du secondaire ?

Stéphanie de VANSSAY

[1] L’enseignant à dominante pédagogique fait partie d’un dispositif le RASED (Réseau d’Aide Spécialisée aux élèves en difficulté) qui intervient dans les écoles maternelles et élémentaires. Il n’a pas de classe et son action couvre plusieurs groupes scolaires. Il prend en charge, sur le temps de classe, des petits groupes d’élèves en difficulté à raison de 2 séances de 45 minutes par semaine. Il tente en utilisant le « détour pédagogique » d’aider chaque élève à s’appuyer sur ses compétences pour surmonter ses difficultés. Le RASED comprend aussi un psychologue de l’Éducation Nationale et un ou plusieurs maîtres spécialisés à dominante rééducative. Ces derniers prennent en charge des enfants qui ne sont rentrés dans leur « statut d’élève ».

 

[2] Le forum des sciences est une manifestation qui a lieu tous les ans, depuis 5 ans au mois de juin sur la ville de Châtenay-Malabry. Il est organisé par l’association « La Maison des Sciences » en partenariat avec le Réseau Réussite Scolaire de Châtenay-Malabry, l’École Centrale de Paris, l’École supérieure d’optique, l’Inspection académique des Hauts-de-Seine, la ville de Châtenay-Malabry, le CNRS, la Main à la Pâte, l’Andra, l’Observatoire de Paris à Meudon. Tout au long de l’année scolaire les classes de la commune sont invitées à travailler en sciences avec « La maison des sciences » (lieu avec un enseignant et du matériel scientifique) et/ou des élèves d’écoles supérieures qui viennent animer des ateliers scientifiques dans les écoles. Ensuite ces classes présentent leur travail au forum des sciences pendant une journée et demie, sous la forme d’une ou plusieurs expériences proposées aux visiteurs. Les visiteurs sont les élèves des autres classes, les enseignants, les étudiants et les parents. Depuis 2 ans, quelques classes présentent aussi des activités mathématiques.

6 réflexions au sujet de « Article « Pyramide de sucres » »

  1. Bravo pour cette excellente expérience et pour le reste aussi, dont je vais m’inspirer en tant que maîtresse E. C’est ce plus là que nous apportons, de la créativité, des situations vraies, souhaitons que cela soit enfin reconnu et puisse perdurer ! Merci pour ce partage d’idées.

  2. Bonjour ou bonsoir, à vous de choisir.

    Bravo pour cette démarche qui donne un sens concret aux mathématiques.

    Les apprenants ont besoins de visualiser la nécessité de ce qu’ils doivent apprendre. Dans la mesure ou cela correspond à un besoin inducteur ils trouvent la motivation pour se donner les moyens de réussir.

    Bravo pour votre engagement.

    Europe tv

    Site: http://www.europetv.info

  3. Très sympa … Je pense que je vais piquer l’activité pour mes collégiens … en essayant de leur faire découvrir la formule … En demandant le nombre de sucres nécessaires pour une base 1000×1000 …

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