INNOVER, UNE ACTIVITÉ ORDINAIRE ?

De retour des journées de l’innovation à l’UNESCO, j’ai eu envie de publier ce travail réalisé l’an dernier dans le cadre du cours de Georges-Louis Baron que j’ai suivi en Master 2 sciences de l’éducation :

Introduction

Aujourd’hui des enseignants innovent notamment en utilisant les nouvelles technologies en classe. Certains font tweeter leurs élèves dès le CP, d’autres autorisent (voire incitent) des collégiens et des lycéens à utiliser en cours les ressources de leurs téléphones mobiles, des classes travaillent en réseaux à l’aide d’ordinateurs reliés entre eux et à Internet, d’autres encore s’aventurent à utiliser les réseaux sociaux pour communiquer avec leurs élèves ou investissent des mondes virtuels avec leurs étudiants. Des forums des enseignants innovants sont organisés chaque année en France, en Europe et même au niveau mondial pour faire connaître et valoriser ces innovations.

Ce phénomène n’est pas nouveau, les innovateurs ont toujours été présents dans la société en général et dans l’enseignement en particulier.

Mais qu’est-ce qu’exactement l’innovation ? Quels liens peut-il y avoir entre la recherche et l’innovation ? Qui sont les innovateurs ? 

L’innovation

Éléments de définition

La recherche sur l’innovation est récente mais le terme ancien nous précise Françoise Cros (1997) il apparaît dès le XIIIe siècle et devient plus courant à partir du XVIIIe avec une notion de danger qui lui est attachée.

« Innovation : introduction de quelque nouveauté dans une coutume, dans un usage, dans un acte. Il ne faut point faire d’innovation. Les innovations sont dangereuses.

Innover : introduire quelque nouveauté dans une coutume, dans un usage déjà reçu. C’est un établissement fort ancien, il n’y faut rien innover. Il est dangereux d’innover dans les choses de la religion.

Novateur : celui qui introduit quelque nouveauté, quelque dogme contraire au sentiment et à la pratique de l’Église. Les novateurs sont dangereux. » (Dictionnaire de l’Académie Française, 1740).

L’innovation, dans son usage social, est presque toujours assimilé à l’objet nouveau introduit. Mais Norbert Alter (Alter, 2010) précise qu’il ne faut pas confondre invention et innovation, l’invention est un nouvel objet qui devient innovation quand il est intégré dans un milieu social, quand il est mis en œuvre. L’innovation est aujourd’hui perçue positivement : « L’innovation est associée à l’idée de progrès, de vie, de créativité et d’entrain. S’opposant à la routine et à l’ordre établi de trop longue date elle bénéficie souvent d’un jugement de valeur positif. » (Alter, 2010)

Un facteur de désordre et de conflits

Françoise Cros nous indique que l’innovation jusque récemment a été synonyme de danger, en ce sens qu’elle engendre du déséquilibre et du désordre qu’elle est potentiellement génératrice de désintégration de la société civile et de schismes religieux.

« Innover : pour vivre en paix, il ne faut rien innover, ni dans l’État, ni dans la religion » (Dictionnaire Universel François et Latin, 1771).

Pour Schumpeter l’innovation n’est ni bonne ni mauvaise, elle est une « destruction créatrice » (Schumpeter & Fain, 1961).

Françoise Cros précise que les connotations positives (voire injonctives) de l’innovation apparaissent dans les années 60, elles sont liées à la nécessité économique de produire des objets nouveaux pour améliorer les ventes et les profits. Actuellement la tendance est qu’il faut innover dans tous les domaines.

Norbert Alter nous explique que l’innovation provoque depuis toujours un conflit entre anciens et modernes, entre la logique de la règle et celle de l’innovation puisque les innovateurs œuvrent pour transformer les règles d’organisation. L’innovation se heurte donc toujours, d’une manière ou d’une autre, à l’organisation (Alter, 2010).

Une source de créativité et d’incertitude

Innover c’est faire preuve de créativité pour introduire du nouveau dans de l’existant, parfois, voire souvent, en détournant un objet nouveau de son usage initial. Cela fait que les innovateurs, en s’appropriant un nouvel outil, lui crée un sens nouveau. Les transformations et conséquences diverses qui en résultent ne sont pas contrôlées mais découvertes progressivement au cours de l’expérimentation. L’incertitude vient également du mouvement lui-même, d’un déficit d’informations sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés, de l’ambivalence de règles floues voire carrément contradictoires. De plus, l’innovation représente l’émergence d’un autre état du monde, dont on ne connaît jamais bien les contours et, évaluer l’impact de quelque chose de nouveau avec des critères prévus pour codifier de l’ancien, s’avère très difficile. En effet, on risque ainsi de négliger des effets non attendus mais qui pourraient être essentiels.

Des paradoxes

L’innovation est à la source et à l’origine de nombreux paradoxes ; elle suppose de croire et rentre en conflit avec l’ordre, même si ses buts sont ceux fixés par l’institution. Elle n’est ni prévisible ni prescriptible, elle est à la fois demandée et redoutée par la société. On demande de la prise d’initiative tout en multipliant les méthodes de contrôle. Par ailleurs, ce sont aussi les situations de crise ou les situations paradoxales qui peuvent engendrer des innovations au sein d’une équipe d’enseignants (Barus-Michel, Giust-Desprairies, & Ridel, 1996), innovations qui paradoxalement gênent l’organisation ou l’institution qui les a suscitées quand elles apparaissent et perturbent les acteurs si elles deviennent institutionnelles. En effet s’il y a légitimité de l’institution, la marge de manœuvre des acteurs diminue et les relations risquent de devenir conflictuelles avec leurs collègues car ils sont alors vécus comme les porteurs de changements imposés par le ministère (Alter, 2010).

Lien innovation-recherche

Geneviève Jacquinot et Hugues Choplin questionnent le lien qu’entretient l’innovation pédagogique avec la transformation de l’activité de recherche et font l’hypothèse que l’intervention de la recherche dans un dispositif peut, sous certaines conditions, favoriser la constitution d’une semi extériorité et d’un climat d’innovation pédagogique (Jacquinot & Choplin, 2002). En effet le climat d’innovation semble tenir à la nécessité d’instaurer une semi-extériorité par rapport au processus de formation porté par le dispositif (Paquelin & others, 2000). L’extériorité étant la nécessité d’introduire un jeu et/ou une certaine distance par rapport au dispositif innovant pour permettre une rupture innovante. Cette distance permet de mieux gérer les tensions, de favoriser la réflexivité des acteurs et de pouvoir expérimenter sans trop s’impliquer. Néanmoins cette extériorité ne doit pas être trop grande non plus, d’où le terme de semi-extériorité, pour que ce qui se joue dans le dispositif innovant reste suffisamment connecté aux différents acteurs.

Pour Olivier Maulini, la question de la question est un enjeu central et invisible de l’innovation dans l’enseignement. En effet la question, c’est d’abord une condition pour que les élèves apprennent, pour qu’ils trouvent du sens et s’engagent dans le travail scolaire ; mais l’enjeu de la question c’est aussi ne pas imposer aux acteurs les catégories des chercheurs quand on veut savoir comment les maîtres pratiquent le questionnement (tradition) et comment ils pourraient le pratiquer (innovation) (Maulini, 2004).

Portrait de l’innovateur

Norbert Alter (2010) décrit au fil des pages de son ouvrage, les caractéristiques des innovateurs. Il relève les termes suivants utilisés pour les désigner : cosmopolites, francs-tireurs, portiers, passeurs, marginaux, sécants, traducteurs, innovateurs et pionniers. Les innovateurs font passer les nouveautés d’un monde à l’autre, ils ont une capacité à transformer souvent en bricolant, en « bidouillant », ils ont un champ perceptif et une représentation du monde plus large que la majorité des autres acteurs. Ils sont atypiques, dissidents, critiques puis rattrapés et absorbés par les normes qu’ils contestent. Norbert Alter illustre cela avec l’exemple de la dernière femme exécutée en France en 1943, il s’agissait d’une « faiseuse d’anges », son activité est depuis 1975 autorisée par la loi.

L’innovateur croit en l’efficacité de son action, cette croyance est son moteur et pallie le déficit d’informations qui fait obstacle au calcul rationnel. Mais il n’est pas pour autant inconséquent, c’est un acteur réflexif (ici la réflexivité correspond à l’idée de retour de la pensée sur elle-même, de réflexion sur la pensée) ce qui lui permet de gérer le processus d’innovation en continu, de changer de cap ou de corriger son action. Il est à la fois engagé et distancié.

L’innovateur fournit beaucoup d’efforts ; il est prêt à faire des démarches, à investir son temps personnel et à s’imposer une charge de travail supplémentaire. De plus il prend des risques car innover suppose de bousculer les règles ou d’avancer malgré les règles, si tout se passe bien, il est un innovateur, mais si les choses se passent mal il risque d’être sanctionné pour avoir malmené les règles et d’être considéré comme déviant.

L’innovateur passe par des périodes de lassitude car fournir beaucoup d’efforts et prendre des risques est source d’anxiété. Il peut alors revenir au rôle prescrit par les règles et les normes de l’organisation, devenir un spécialiste du discours sur l’innovation, se construire un espace professionnel fermé où il aura une certaine autonomie avec les autorisations nécessaires pour rester dans le cadre, ou encore se retrouver isolé ou précaire. Dans le cas particulier des animateurs TICE à l’école primaire par exemple, François Villemonteix a repéré plusieurs types d’évolutions professionnelles liées à un renoncement progressif à une fonction « d’innovateur bricoleur » au profit de celle « d’agent de médiation institutionnelle » (Villemonteix, 2007).

L’innovation et les TICE dans l’enseignement

L’informatique : une « invention » à part

L’informatique est dans une situation paradoxale, car si elle existe depuis plus d’un demi-siècle, elle reste néanmoins une technologie toujours nouvelle étant donné son évolution rapide. Les premières machines à enseigner apparaissent dans les années 60 et avec elles démarrent les premières expérimentations en milieu scolaire qui n’ont pas cessées depuis. Cependant Georges-Louis Baron (2008) précise que « l’histoire montre, par delà les discontinuités rapides des vagues technologiques, une évolution lente et continue des idées qui leur sont liées. On peut, sans grande difficulté, considérer l’ensemble des recherches s’intéressant aux différentes formes d’utilisation des TICE comme un champ au sens de P. Bourdieu, caractérisé par un système de tensions opposant notamment :

– La technologie éducative (outils du maître) et l’instrumentation d’apprentissages (outils de l’élève).

– Ce qui relève plutôt d’un outil ou d’un objet d’enseignement, de classer dans l’ensemble tout un ensemble de recherches s’intéressant à l’informatique comme objet de formation et de culture et qui relèvent donc plutôt de la didactique de l’informatique. »

Autre particularité, l’informatique ne peut être réduite au statut de simple outil une vision trop utilitariste risquant de masquer son impact réel. Éric Bruillard nous dit qu’« en fait, l’informatique peut-être vue comme une méta-technologie (un méta-outil ou un méta-instrument), c’est à dire une technologie permettant de fabriquer et de simuler différents outils et instruments. » (1997) Il nous précise aussi qu’il s’agit « d’instruments permettant la transformation des objets et des représentations particulières de ces objets. » Nous sommes donc devant une technologie susceptible d’augmenter la puissance de la pensée et de transformer profondément « l’enseigner » et « l’apprendre ». L’enjeu est donc de ne pas rester au niveau de l’utilisation des TICE mais bien de penser leur intégration dans l’enseignement.

Une nouvelle posture à trouver pour l’enseignant

Sandholtz, Ringstaff et Owyer (1998) indiquent que les enseignants, pour utiliser les TIC avec profit, doivent accepter de « remettre en question leurs croyances pédagogiques », de ne plus se considérer comme unique source de savoirs, de ne pas organiser la classe autour de la parole de l’enseignant. Laferrière, Bracewell, Breuleux, Erickson, Lamon et Owston (2001) vont plus loin en précisant à propos des classes en réseau que « les méthodes de communication émergentes repoussent non seulement les frontières intra-muros des classes, mais remettent aussi en question la hiérarchie des rôles et des processus dans l’enseignement élémentaire-secondaire. En fonction des convictions, des valeurs, des connaissances et de la compétence de l’enseignante ou de l’enseignant, la classe tire plus ou moins parti de ce lieu d’apprentissage qu’est la classe en réseau. » L’enseignant transfère une partie de son pouvoir à l’élève ce qui permet un meilleur engagement de ce dernier et la co-construction de savoirs autour de situations problèmes. L’enseignant peut guider, suggérer, mais l’initiative appartient à l’élève et le travail en équipes de pairs est préconisé. La désynchronisation et la délocalisation de la salle de classe (les élèves apprennent et travaillent pendant et hors le temps de la classe et aussi dans et hors du lieu classe) amènent le professeur à assurer de nouveaux rôles de concepteur de ressources en ligne, de modérateur, d’animateur de groupes d’apprentissage etc.

Innover suffit-il ?

Georges-Louis Baron et Éric Bruillard (2004) nous disent qu’« il y a indéniablement un facteur de nouveauté dans les innovations éducatives, qui sont souvent entourées d’une aura de transgression acceptable voire souhaitable, de refus de vieilles valeurs. Pour autant, les situations d’innovations ne sont pas toujours porteuses de changement, ou du moins de changement radicaux. »

Par exemple, Gabriel Langouët (1986) a mené une étude sociologique pendant la période de rénovation des collèges entre 1971 et 1975 qui a montré que les innovations pensées par les enseignants et les chercheurs ne favorisaient pas forcément la démocratisation de l’enseignement. Les avancées réelles du dispositif mis en place (supprimer les redoublements, retarder l’orientation des élèves, créer des groupes de niveau et des groupes semi-homogènes, augmentation des crédits et du temps de concertation des enseignants, travaux interdisciplinaires) ont profité davantage aux élèves déjà à l’aise dans leur scolarité (de milieu plus favorisé et « à l’heure ») et contribué à creuser les écarts. De plus, au delà des pratiques novatrices ou non, l’étude suggère l’importance de « l’effet-maître » et note que les pratiques pédagogiques sont restées assez classiques ; même si des pratiques différentes existent, elles restent minoritaires.

Donc pour démocratiser l’enseignement, innover ne suffit pas, peut-être qu’inciter de réels changements de posture des enseignants en s’appuyant notamment sur les TICE, serait un levier pour plus d’efficacité.

Conclusion

Ce rapide panorama confirme le titre de l’ouvrage de Norbert Alter (2010), l’innovation est bien un processus ordinaire mais qui produit tous les jours un peu plus d’ambivalence et d’ambiguïté. Les enseignants innovants doivent actuellement faire face à l’injonction paradoxale d’utiliser les TICE mais sans bouleverser l’ordre établi. Ils se heurtent aux filtrages (sites non accessibles dans les établissements) et aux interdictions (pas d’utilisation des mobiles en cours par exemple), investissent un temps personnel important et une énergie considérable tout en réfléchissant leurs actions pour les réajuster en flux tendu, ils échangent et écrivent beaucoup sur la toile (via les réseaux sociaux et des blogs) ; tout cela dans l’objectif, conforme à celui fixé par l’institution, de mieux faire réussir leurs élèves. Ils peuvent trouver des appuis chez des chercheurs en capacité de les accompagner et d’éclairer leurs actions sans toutefois imposer leurs questions. Entre désordre, créativité, incertitudes et croyances, ces innovateurs font avancer l’institution et lui sont nécessaires.

Je conclus avec cette citation issue d’un billet de blog récent, d’un professeur d’histoire-géographie en collège qui retrace son parcours et que je trouve emblématique : « Et parmi les super pouvoirs de merde dans l’Éducation Nationale, il y a le mien. Oui, le super pouvoir qui ne sert à rien parce que même s’il est super et ben tout le monde trouve que c’est n’importe quoi. […] Quelque part, plus le temps passe, plus je me dis que le super pouvoir dans ce boulot, c’est de passer outre l’immobilisme de la profession (parce qu’il ne faut pas se leurrer, il existe, trop présent) et de vouloir croire qu’innover, c’est juste faire son métier ! »

Bibliographie

Alter, N. (2010). L’innovation ordinaire. Presses Universitaires de France – PUF.

Baron, G. L. (2008, mars 26). Georges-Louis Baron :: Blog :: A propos de la structuration du milieu de la recherche sur les technologies de l’information et de la communication en éducation. Consulté juin 2, 2011, de http://blogs.univ-paris5.fr/glbaron/weblog/4606.html

Baron, G. L., & Bruillard, E. (2004). Quelques réflexions autour des phénomènes de scolarisation des technologies. Entre technique et pédagogie. La création de contenus multimédias pour l’enseignement et la formation, 154–162.

Barus-Michel, J., Giust-Desprairies, F., & Ridel, L. (1996). Crises : Approche psychosociale clinique. Desclée de Brouwer, Paris.

Bruillard, E. (1997). L’ordinateur à l’école : de l’outil à l’instrument. Sciences et techniques éducatives, 5(1), 63–80.

Cros, F. (1997). L’innovation en éducation et en formation. Revue française de pédagogie, 118(1), 127–156.

Jacquinot, G., & Choplin, H. (2002). La démarche dispositive au risque de l’innovation. Éducation permanente, 152, 185–199.

Laferrière, T., Bracewell, R., Breuleux, A., Erickson, G., Lamon, M., & Owston, R. (2001). La formation du personnel enseignant œuvrant dans la classe en réseau. Étude présentée sur concours au Colloque du Programme pancanadien de recherche en éducation.

Langouet, G. (1986). Suffit-il d’innover. PUF.

Maulini, O. (2004). Un enjeu invisible de l’innovation pédagogique: l’institution du questionnement. Raisons éducatives, (1), 127–146.

Paquelin, D., & others. (2000). Analyse systémique des usages des TIC pour l’apprentissage. Rapportfinal, CNCRE INRP.

Sandholtz, J. H., Ringstaff, C., Owyer, D. C., & Desorcy, M. C. (1998). La classe branchée: enseigner à l’ère des technologies. CNDP.

Schumpeter, J. A., & Fain, G. (1961). Capitalisme, socialisme et démocratie. Payot París.

Villemonteix, F. (2007). Les animateurs TICE à l’école primaire : spécificités et devenir d’un groupe professionnel.

Sitographie

Ticeman’s origin part 3: Le super pouvoir (ou comment être mal vu quand on devient prof) | La caverne de Ticeman. (26 mai 2011). Consulté mai 29, 2011, de http://www.cyberhistoiregeo.fr/lacaverne/?p=281 déplacé depuis là : http://www.ticeman.fr/lacaverne/?p=281

Crédit photo : Thomas Hawk via photopin cc

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